20 février 2015

La construction de forteresses conceptuelles


Il existe dans tout système social une propension exagérée à la production névrotique de ce qu'on pourrait appeler des bastions conceptuels réservés. Le plus souvent cet exercice vise à instituer quelque nouveau dogme ou quelque manière biaisée de voir les choses. Mais plus généralement, le but de la manœuvre consiste très prosaïquement à couvrir des situations bancales qui perdurent sans trouver de solution, ou des scandales imminents qu'il s'agira de dissimuler le plus longtemps possible.
 
 
 
 
En gros, il s'agit de délimiter par simple principe d'autorité, certains seuils conceptuels à ne pas franchir. Ou encore d'instaurer des zones de non-dit, voilées d'une brume assez perverse de crainte et d'ignorance. C'est toujours une entreprise risquée, sachant que l'esprit adore fureter partout et surtout là où on lui dit de ne pas aller !

Prenons pour exemple récent le gouvernement français qui, soucieux de se dissocier au moins momentanément de ses mauvais résultats économiques, a délibérément choisi de mettre en scène à grand frais des thématiques sociales à connotation ethnico-religieuse. C'est avec une certaine théâtralité non dénuée de machiavélisme qu'il s'efforçait ainsi de récupérer à son profit les retombées des attentats terroristes de janvier et d'organiser un défilé très peu spontané sous le désormais célèbre slogan "Je suis Charlie". A cette occasion, certains mots furent lâchés à dessein dans les media, comme des grains disséminés dans un poulailler : islamisme, antisémitisme, jihad, alya, Israël, Syrie. Cette délicate campagne d'intoxication avait évidemment pour but de définir certaines affinités électives sans toutefois paraître stigmatiser trop directement l'une ou l'autre des parties. Plutôt que de faire progresser l'ensemble du problème dans le sens d'une recherche de solutions, il s'agissait en réalité de sanctuariser le débat. Ou plus concrètement encore, de le délégitimer.
 
Toujours est-il que la pensée, dans ses fluctuations, ne saurait se contenter de symboles aussi minimalistes surtout si d'entrée de jeu ils paraissent à l'évidence quelque peu déséquilibrés. L'exigence de l'esprit est d'aller toujours au-delà des limites supposées, bien au-delà même de toute formulation verbale. C'est fort mal en comprendre la nature subtile que de présumer que l'intellect allait s'arrêter net devant un concept préformaté, moulé à la louche et gracieusement distribué par tous les canaux médiatiques  !

Bien au contraire, les contorsions que le gouvernement s'inflige pour tenter de sanctuariser certaines problématiques ne font qu'attiser les soupçons et enfler les polémiques. D'autant que par la bouche même du premier ministre se profile déjà l'ombre de la censure ...







 
 
 

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