En réalité, c'est à l'écart du tumulte que la pensée fermente dans une parfaite autonomie...
Il ne sert à rien de la bousculer pour accomplir des démarches auxquelles elle paraît rechigner, trouvant tous les artifices et subterfuges possibles pour ne pas embrayer sur certaines tâches. C'est du moins ce qu'on suppute devant l'apparente inertie qu'elle oppose à notre vouloir.
A moins que ce ne soit encore une excuse pratique pour notre propre paresse que de pouvoir ainsi passer la faute à cette pensée qui se perdrait dans les méandres de ses énigmatiques allées et venues... car dans tous nos mouvements nous sommes précédés et accompagnés, voire étroitement surveillés et guidés par la pensée. Même quand elle semble paresseuse ou inactive, elle n'arrête pas de filer du tissu sémantique comme une araignée silencieuse...
En effet, la pensée est témoin et comptable de nos moindres faits et gestes dont la somme fait le roman d'une vie et certainement plus encore, car il y a dans la pensée un potentiel magique qui n'est pas à renier. Chacun peut en faire l'expérience sans même passer par ces "petits tours" de prestidigitation adorés par les enfants : la pensée déborde partout et dans tout. Suffit-il que l'on pense très fortement à quelque chose et quelque chose arrive, même si n'est pas exactement ce qu'on avait espéré.
Par ailleurs, les philosophies orientales ont inventé des pièges ingénieux pour capter les activités complexes de la pensée à l'instar de ces nombreuses formes de méditation, notamment dans le bouddhisme zen, qui offrent à la pensée des situations inédites. Notons encore que les termes "pensée" et "esprit" ont souvent la même signification.
Ainsi donc même lorsqu'on se croit perdu, ou simplement que l'on dort, la pensée est toujours en veille qui enregistre et recense en permanence des données afin de les préserver pour que le penseur puisse continuer à penser...