8 février 2015

Combler les manques


 
A contempler ces arbres qui habitent avec tant d'élégance et d'ingéniosité juste au-dessus de nulle part, il peut venir à l'idée que vivre c'est essentiellement combler des failles. Il serait donc question de faire ce qui n'a jamais été fait et d'inventer ce qui n'existe pas. Ou encore de penser l'impensé. Et ça c'est vraiment génial comme mission : activer des creux ontologiques.
 
 
 
 
On se retrouve dès lors avec l'objectif implicite de pallier à certaines carences et d'instruire des absences. Ou encore, de constater des lacunes. Et ce n'est pas l'ouvrage qui manque, si on veut bien regarder autour de soi. Non seulement cet objectif de comblement du vide est particulièrement stimulant, mais en plus il représente de quoi occuper une vie entière. Et même beaucoup plus, puisque bizarrement le non-être semble toujours plus abondant que l'être. Ah! côtoyer de profonds abîmes et s'avancer sans hésiter dans l'étrange inconnu.

Il faut donc beaucoup d'imagination pour vivre en pleine conscience, car à vrai dire rien n'est prescrit ni programmé par avance. Il s'agit d'inventer la mélodie à chaque instant tout en se contentant de l'orchestre d'amateurs qui est mis à notre disposition : les rafales désaccordées du vent sur les toits, le soleil qui n'est jamais là où il faudrait pour la photo et la nuit insaisissable. Ah! la nuit qui est toujours trop longue ou trop courte.

Toutefois de cette prodigieuse faculté créative dont nous bénéficions minute après minute découle nécessairement une forme de responsabilité philosophique qui devrait imprégner nos orientations et nos réflexions. La nature de l'enjeu est d'une grande noblesse : quand on a le pouvoir de meubler le vide, ne serait-ce que l'espace d'un instant, on peut aussi faire en sorte que le prochain geste soit juste et que la pensée soit belle, harmonieuse et bienfaisante ...





 
 


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