Au printemps, les haies sont traditionnellement le lieu des rendez-vous romantiques à l'écart de tout regard indiscret. Elles abritent volontiers dans leurs profondeurs des conciliabules d'adolescents fomentant quelque entourloupe ou projetant de réformer le monde de fond en comble. La haie est aussi bien l'indispensable cachette où l'on peut tout perdre et tout retrouver. Et plus encore si affinités ...
En effet, la haie végétale est un symbole multiple et complexe : servant de refuge ou d'abri à toutes sortes d'animaux, elle protège les plantes fragiles des assauts du vent et des pas des promeneurs. Elle permet à diverses espèces d'y nicher et de prospérer dans une tranquillité relative. Pour l'habitant des haies, tous ces recoins calmes et secrets sont une aubaine inestimable. Et il y en a pour tous les goûts, du très ombreux au plus ensoleillé ...
Mais le jardinier qui conçoit sa haie le fait d'abord pour des motifs d'ordre et de cloisonnement : il veut séparer des espaces, forcer des destins à se plier à sa propre vision du monde. Il est ici le metteur en scène d'un microcosme à sa mesure.
Ce pouvoir puissamment métaphorique de la haie, certains politiques l'ont bien compris. Notamment au sommet de l'état français où l'on brasse beaucoup de concepts à la fois, ce qui a curieusement le don de susciter quelques vagues d'indignation. Estimant n'avoir rien de mieux à faire dans l'immédiat, le gouvernement a donc entrepris de dessiner quelques haies au crayon levé pour parer au plus pressé :
- tenter de dissimuler ce qui ne devrait pas tomber entre toutes les mains;
- savoir avant tout le monde se qui se trame sur les interwebs;
- identifier d'éventuels terroristes en puissance (alibi central);
- manipuler discrètement l'opinion;
- espionner le bon peuple pour l'empêcher de faire/dire/penser des bêtises.
C'est mû par une précipitation assez inhabituelle que le gouvernement Valls II a donc fait voter le 19 mars 2015 son projet de la Loi sur le Renseignement. Dans cette optique de surveillance les "haies" ne serviront plus de planque accueillante, mais seront désormais envisagées comme des pièges espions, des boîtes noires destinées à recueillir et trier les données et métadonnées des connexions des internautes. Les opérateurs internet (fournisseurs d'accès, sites, hébergeurs) seront par conséquent mis en demeure de s'équiper en vue de la collecte d'informations sur les pratiques et itinéraires de leurs hôtes, notamment par le biais de dispositifs algorithmiques.
Dans ce contexte, ce ne sont plus des haies, mais des barrières qui nous sont opposées, des balises informatiques placées opportunément sur les routes virtuelles que nous empruntons, dans le but d'espionner encore un peu plus nos habitudes et d'analyser notre profil.
Il est désormais assez légitime de se demander si le monde qu'on nous prépare pour demain ou après-demain fait encore envie ? On peut en effet concevoir quelques affreux doutes, surtout lorsqu'on a entendu le ministre de l'intérieur français, Bernard Cazeneuve, affirmer devant l'Assemblée nationale que "la vie privée n'est pas une liberté" !
Il est désormais assez légitime de se demander si le monde qu'on nous prépare pour demain ou après-demain fait encore envie ? On peut en effet concevoir quelques affreux doutes, surtout lorsqu'on a entendu le ministre de l'intérieur français, Bernard Cazeneuve, affirmer devant l'Assemblée nationale que "la vie privée n'est pas une liberté" !
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