15 avril 2015

Apologie du troll

 
Non, le troll n'est pas qu'un empêcheur de tourner en rond et de ronronner paisiblement entre soi. Il est aussi cette petite pluie de printemps providentielle et rafraichissante, qui permet à la végétation de s'épanouir et aux oiseaux de gazouiller sous l'ondée.

Antonio Casilli, spécialiste de la sociologie des réseaux, nous explique que "le troll est le négatif dialectique. Celui qui met les pieds dans le plat, casse les codes, conteste l'autorité. Son intervention est capitale dans le processus social. Il produit du débat et enrichit in fine la qualité du Web".
 
De fait, c'est en l'appréciant comme le Joker dans un jeu de cartes que l'on est le plus à même de percevoir sa véritable portée philosophique.

Les sociétés traditionnelles avaient bien compris que cette fonction perturbante était indispensable au maintien d'un certain équilibre des valeurs et l'avaient donc insérée de plein droit dans des rituels symboliques parfois complexes. On en voit encore quelques exemples de nos jours, comme dans les pratiques ancestrales du Carnaval.

Le Joker ou le troll viennent remettre en question ce que l'on prenait pour acquis. Ils ouvrent des brèches béantes dans le réel, permettant ainsi de "rafraîchir la pageselon l'expression consacrée dans le domaine informatique et la navigation sur le web. En une interminable fraction de seconde, envolées les habitudes, évanouies les certitudes. En cet instant panique le monde s'affaisse sur lui-même, le château de cartes s'effondre, laissant entrevoir de nouveaux horizons pleins de possibles.

Le Joker apporte toujours plus qu'il ne prend, car c'est précisément au moment où l'on perd pied qu'on apprend à voler en esprit, autrement dit à penser de manière autonome et créative. Et cet impondérable, même les sociétés les plus rigides doivent l'intégrer dans leurs systèmes.

Le jour où il n'y aura plus de troll pour mettre malicieusement la pagaille dans une assemblée trop sérieuse, il n'y aura plus personne pour penser. Les robots, ou les Autres, auront donc gagné la partie.

Mais une partie seulement ...



 

 

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