31 janvier 2015

L'effet neige ...


 
Une simple averse de neige et le monde entier devient étrange, si calme et si précieux. Des flocons tombent comme de grosses fleurs, en planant. De temps en temps on entend le petit cri interrogateur d'un oiseau, un seul battement d'ailes. Le silence retombe, c'est un poème pour l'âme et un repos pour la nature ...
 
Froid saisissant et perte momentanée des repères communs : ce délicat sortilège d'apparence vaguement extraterrestre ne recèle pourtant aucune dangerosité. En réalité, la neige est une puissante leçon métaphysique qui nous enseigne à distinguer la forme et le fond, à discerner peut-être l'essentiel de l'inessentiel.
 
Toutefois, ces images littéraires éculées qui nous viennent spontanément à l'esprit, comme "le grand manteau blanc", contiennent des vérités certes profondes, mais ne pouvant être vérifiées de nos jours que dans les campagnes reculées.

En ville, la neige disparaît très vite sous l'effet conjugué de la température environnante et d'une circulation automobile intensive. Dans un cadre urbain l'épisode neigeux d'amplitude moyenne suscite de généreux épandages de gros sel, ce qui ne manquera pas d'entraîner inexorablement l'apparition d'une boue légèrement toxique qui ira s'infiltrer dans les égouts. Poème des évanescences ...
 
Toujours est-il que fors la guerre, seul une puissante tempête de neige est encore en mesure de stopper net la course folle d'une civilisation déjà sur le déclin et qui n'arrête pas un seul instant de courir à sa perte. Le temps peut-être de se retrouver seul, face à soi-même et à ses propres choix philosophiques.

Alors confortablement emmitouflé et muni d'une haute tasse de café fumant ainsi que de quelques biscuits, on peut se mettre à examiner ce qui est à nos yeux important et ce qui ne l'est pas. Rien ne presse. La neige continue à tomber ...





Illustration

Estampe de Utagawa HIROSHIGE



 
 
 
 
 
 
 


25 janvier 2015

Et maintenant dix mille constellations à décrypter



Il n'y a pas lieu d'être effrayé, ni de s'en étonner. Le moment est venu et vous le savez bien.
 
Il faudra maintenant se rappeler de toutes les lectures, les formules secrètes et les calculs impossibles. Il faudra accepter la solitude et parfois le désarroi. Comme si la terre avait glissé toute entière derrière le monde ...
 
Et les constellations qui maintenant apparaissent ne sont déjà plus les mêmes, ne représentent plus rien dans les registres du connu. Et ne mènent même plus du nord au sud.

Il faut maintenant monter aux terrasses hautes pour pouvoir descendre en soi-même. Sans compagnon et sans consolation. Les animaux aimés sont tous partis en éclaireurs. Il s'agit maintenant de comprendre de quoi il retourne. Scruter le fond des nuages pour en apprendre plus et peut-être saisir deux, trois mots d'un langage étonnant.

Ne pas reculer, ne pas redescendre les marches et fixer l'horizon sans se lasser, l'horizon intérieur où défilent des merveilles.

Subjugués par la recrudescence des pseudo catastrophes, nous avions pris cela pour des avertissements. En fait, il s'agissait d'un nouveau langage, un langage inventé et imposé. Comme dans un rêve, mais le rêve est inscrit dans le jour et le jour est maintenant commencé.

Ainsi nuit et jour, nous veillons aux fenêtres des tours et nous interprétons les gestes d'une langue hier encore inconnue, mais qui nous devient de plus en plus familière à mesure que notre intuition s'affine. Vaincre le vertige et libérer le pouvoir mental de ses assignations, telle est à présent notre infaillible méthode.





Illustration

M.C. Escher








 
 

22 janvier 2015

Camper dans l'intervalle

 

L'esprit se meut dans un espace ontologique privilégié, ce champ quasi illimité qui s'étend entre l'avant et l'après, l'être et le non-être. La pensée ne fait que jouer comme le vent à travers les haubans ...
 
 



Ceux qui prétendent gouverner les peuples savent cela d'instinct. C'est pourquoi ils imaginent toujours des leurres destinés à capter l'attention, à  paralyser l'esprit. Des cadres symboliques sont ainsi prescrits pour contrôler les citoyens, que l'on va traiter en troupeau comme on ramène le bétail de la prairie. Le conduire à demeure, avec quelques slogans simples à retenir et quelques petits drapeaux à agiter.

L'autre jour à Paris et contrairement à des apparences habilement suggérées, l'organisateur de la grande marche compassionnelle n'était certainement pas le peuple. Curieusement,  le raisonnement n'était pas non plus invité à la cérémonie. Et dès les dernières banderoles remisées, ne voit-on pas déjà se profiler quelques lois expéditives, quelques manœuvres visant la liberté d'expression sur le web et divers aménagements restrictifs qu'on espère pouvoir instaurer sans provoquer trop d'agitation populaire ? Il faut reconnaître que la passion française pour les grands attroupements appelés "manifs" par les initiés, a été largement assouvie ces derniers temps. Comme par miracle, la route est donc aplanie pour laisser libre cours à l'instauration de quelques nouvelles réglementations.
 
Ne jamais oublier que la liberté de pensée est d'abord un pas de côté. Un mouvement furtif de travers : on ne voit bien qu'en perspective. Toutefois l'art de l'esquive et le flair du piège ne se consolident qu'au travers d'une pratique constante et d'une certaine autodiscipline. D'autant que l'intellect aime aussi à se jouer les arrêts sur image, les retours en arrière et les "no go zones". La paresse mentale devient si vite un mauvais pli.

L'intervalle est donc encore un sanctuaire pour l'esprit. Nul ne peut l'en déloger ni l'empêcher d'y procéder, mais ça pourrait bien changer si on n'y prend pas garde ...





  
 
 


17 janvier 2015

Vagues mentales


Il était donc question ces derniers jours de caricatures considérées par beaucoup de musulmans comme blasphématoires, de leur publication réitérée et de l'exécution de leurs éditeurs par un commando présumé islamique.

Quand la pensée se laisse submerger par des vagues d'émotion elle se met aussitôt en danger, quelle que soit par ailleurs la qualité de cette émotion. Ce genre de phénomène a toujours été exploité avec plus ou moins de talent par toute sorte de manipulateurs, à commencer par des politiques rusés, des guides spirituels ou des conférenciers efficaces.
 
 


Personnellement, si on me proposait aujourd'hui de descendre dans la rue pour scander un slogan avec des milliers d'autres personnes, cela me poserait un problème.  Servir une cause est une chose, servir d'alibi en est une autre. Dans ce monde de la communication virtuelle, où l'affichage des écrans se renouvelle au rythme de la respiration, tout évènement sombre aussitôt dans l'oubli s'il n'est pas soigneusement balisé par de forts signaux symboliques. Dès lors, une telle manifestation collective ne peut qu'avoir été instrumentalisée à leur service par ceux qui l'ont organisée.

Sauf à rechercher la fraternité et la chaleur humaine, il est assez vain de défiler avec une pancarte décorée du mot d'ordre du jour. Car c'est bien d'emprise mentale qu'il s'agissait l'autre dimanche et la suite de l'histoire ne manquera pas de démontrer qu'il s'agissait là d'un tournant stratégique dans une guerre de civilisation. Et sans doute pas dans le sens rêvé par ceux qui défilaient.

Il valait donc aussi bien occuper son dimanche en faisant quelques recherches documentaires sur le sujet en question, ou bayer aux corneilles tout simplement ! Mais chacun s'occupe de sa conscience comme il l'entend ...



 





6 janvier 2015

Cent rivières


 
Tandis que la civilisation actuelle poursuit sa course folle vers les abîmes avec toute l'inconscience de la mauvaise foi, saccageant la nature et ses propres moyens de survie, des regards alternatifs nous offrent pourtant de nouvelles plateformes de pensée qui parviennent à concilier l'intérieur et l'extérieur, l'esprit et le corps.
 
Ainsi en est-il des œuvres oniriques de ce peintre et architecte d'origine autrichienne Friedensreich Regenstag Dunkelbunt Hundertwasser (1928-2000), dont toute l'œuvre est parsemée de symboles poétiques, à commencer par son nom d'artiste féru de complications. Qu'on en juge un peu : son pseudonyme officiel veut dire Royaume de la Paix, Jour de Pluie, Coloré sombre, Cent Eaux. Un concentré de psychologie jungienne et de linguistique extra-européenne, notamment japonaise. Tout le charme des jeux de pistes, des messages secrets cachés dans les arbres, de l'imagination à revendre !

Alors qu'il aimait à se présenter comme un architecte-médecin, on devine que toute cette luxuriance n'est que le diagnostic du malaise de la fin d'un monde : elle annonce que désormais il faudra se contenter de bribes, de retombées à ravauder. Qu'il vaudra mieux être aguerri au plan de l'imaginaire pour arriver à survivre dans celui du réalisme. Au chapitre culturel, il ne subsistera bientôt que des feuilles balayées par le vent, des fragments d'art éparpillés, des manuscrits dérobés et des bibliothèques indûment spoliées. Des micmacs virtuels sur le web (autrement nommé l'océan des plagiats) à la vente illicite de patrimoine culturel par certains gouvernements se prétendant insolvables comme à l'émergence de divers cataclysmes climatiques, l'ambiance se fait chaque jour un peu plus glauque. D'autant que le brassage accéléré des populations entraîne une nécessaire simplification de la communication et que dès lors, les références culturelles ont tendance à s'annuler les unes les autres plutôt que de se compléter harmonieusement.

C'est dans ce contexte perturbant que les visions pénétrantes de Hundertwasser peuvent nous aider à nous déplacer dans les strates mentales et à nous donner le courage d'avancer dans le paysage ! 



Hundertwasser, Waldspirale
(Spirale de la Forêt)
Darmstadt, Allemagne

 



 
 

3 janvier 2015

Algorithme inaugural

 
L'opération métaphysique la plus délicate, pour un conteur qui se veut efficace, est dans le choix méticuleux d'un titre.
 
 


Le contenu sémantique de tout le texte doit pouvoir y figurer comme l'univers dans une goutte de rosée, mais sans en alourdir la portance, le jet. Le titre se doit donc d'être à la fois subtil, enjôleur et modérément explicite.
 
Dans cet exercice périlleux, ce sont tout naturellement les journalistes et les auteurs de blogs qui sont amenés en première ligne à devoir résoudre ce genre d'exquise problématique, pensum rituel qui confine à l'art du koan, cette petite formule énigmatique que les maîtres zen de l'école Rinzaï proposent à leurs disciples pour les faire avancer dans l'étude de la Voie.

Plus prosaïquement, nous nous contenterons donc de prononcer un modeste mais très sincère : Bonne et heureuse année à tous les voyageurs de l'espace virtuel, de même qu'à tous les autres bien entendu !